Entretien avec Loïc Damilaville

Personnalité incontournable dans le milieu des noms de domaine français, Loïc Damilaville est, entre autres, adjoint au directeur général de l’AFNIC.

Les particuliers domiciliés en France auront la possibilité d'enregistrer le nom de domaine en .fr de leur choix - à condition qu'il soit encore libre.

L'Afnic s'est-elle fixée des objectifs en termes de nombre de noms de domaine enregistrés ?

Nous ne nous sommes pas fixés d'objectifs quantitatifs pour évaluer le "succès" ou "l'échec" de cette ouverture. D'abord parce que ce genre de projections est souvent tres aléatoire, comme on a pu le voir pour le .EU. Ensuite parce que le marché des particuliers peut être moins "réactif" que celui des entreprises, qui inclut de nombreux titulaires de marques voulant se protéger.

Le succès sera, de notre point de vue, mesurable dans la durée en fonction du futur rythme de croissance du .FR et de son taux de renouvellement. Deux critères qui, en ce qui concerne l'assouplissement réalisé en mai 2004, nous donnent toute satisfaction. Le .FR est en effet l'une des rares extensions au monde pouvant afficher un taux de renouvellement supérieur à 90%. Nous pouvons interpréter cela comme le signe que déposer un .FR est réellement porteur de sens.



Quelles campagnes de promotion seront lancées par l'Afnic ?

Nous avons déjà commencé à communiquer, par voie de presse "offline" et naturellement online (Site : faites-vous-un-nom.fr). Notre campagne s'intensifiera quelques jours avant l'ouverture prévue le 20 juin à 9 heures.

Quels conseils donnez-vous à un particulier qui souhaite optimiser ses chances d'obtenir le nom de domaine qu'il souhaite avant un tiers ?

De ne pas attendre le 30 juin pour prendre contact avec un bureau d'enregistrement afin d'insérer ses demandes de noms parmi celles qui nous seront envoyées dès l'ouverture ;-) . L'ouverture se fera de manière progressive sur 4 jours. Le 20 juin par exemple ne pourront être enregistrés que les noms commençant par des chiffres ou par les lettres a et b. Les jours suivants, nous ajouterons des lettres jusqu'à ce que tous les noms puissent être enregistrés. Tous les détails sont disponibles sur le site faites-vous-un-nom.fr.

Attention cependant à vérifier que les droits de tiers ne seront pas lésés par ces dépôts.

L'Afnic compte-t-elle, au vu de l'augmentation du nombre de noms de domaines enregistrés, simplifier les procédures de transfert de noms de domaine ?

Je peux d'ores et déjà vous indiquer que la procédure de transmission des .FR d'un titulaire à un autre sera complètement dématérialisée dans le courant de l'été, tout en mettant en place des sécurités qui protègeront les titulaires contre des transmissions intempestives. Nous publierons sur notre site les informations détaillées sur ce nouveau système lorsqu'il sera mis en place.

 

"Faites-vous-un-nom.fr" est la traduction presque littérale du slogan "Make a name for yourself" utilisé par nos confrères de Sedo US. Quelle est la position de l'Afnic face au second marché des noms de domaine ?

Le nom du site de notre campagne exprime complètement l'esprit dans lequel nous concevons ce que l'ouverture du .FR va apporter aux particuliers: la possibilité de se choisir un .FR personnalisé, qui reflète leurs goûts, l'image qu'ils veulent se donner, ou tout simplement qui corresponde aux sujets qu'ils aiment à aborder sur leurs blogs et pages personnelles.

L'AFNIC n'est pas un "gendarme de l'internet" et n'a pas à se prononcer "pour" ou "contre" le second marché des noms de domaine. Je pense à titre personnel qu'il fait incontestablement partie "du paysage", même s'il faut bien préciser de quoi l'on parle. En France, les noms de domaine sont considérés comme des droits d'usages et non comme des "propriétés": le droit d'usage vous est acquis jusqu'au moment où vous le perdez si vous ne l'avez pas renouvelé. C'est la raison pour laquelle nous parlons de "titulaires" de .FR plutôt que de "propriétaires". Ensuite, je pense que les acteurs du "second marché" des noms de domaine ont tout aussi intérêt que ceux du "premier marché" à lutter contre les comportements relevant du cyber ou du typosquatting. C'est la crédibilité et l'image de toute leur profession qui est en jeu. La "spéculation" n'est pas mauvaise en elle-même, mais elle le devient lorsqu'elle porte atteinte aux droits de tiers.



Un nom de domaine en .fr vendu pour 10.000 euros : qu'est-ce que cela vous évoque ?

D'abord que tous les .FR faisant l'objet de transactions ne seront sans doute pas revendus ce prix-la, au moins à court terme. Une majorite le seront pour beaucoup moins, une minorite pour beaucoup plus. Ensuite, que l'une des deux parties a sans doute fait une très bonne affaire dans le cas que vous citez !



Y-a-t-il un point sur lequel vous souhaitez insister et qui n'est pas couvert par les questions précédentes ?

Il est intéressant de développer une approche montrant aux titulaires de noms de domaine que cette adresse qu'ils ont enregistré parfois sans trop y penser peut valoir quelque chose en elle-même. Pour l'image qu'elle leur donne, pour le trafic qu'elle leur apporte. Il y a une vraie valeur ajoutée au fait de déposer des noms de domaine pour "exister" sur internet, en plus des facilités qu'ils apportent (URLs et adresses de courrier électronique pérennes). Le .FR a des spécificités que n'ont pas d'autres extensions: il est lié à la France, à des contenus francophones et peut renforcer l'impression de proximité lorsqu'on s'adresse au public français, puisque tout titulaire de .FR doit être situé sur le territoire français. En ce qui concerne les particuliers, cette condition de territorialité s'exprime par une adresse postale en France - susceptible d'être vérifiée par demande de justificatifs. Les particuliers titulaires de .FR devront aussi être majeurs.

Je finirai sur un chiffre qui nous a été donné par une étude réalisée en septembre 2005 par TNS-SOFRES: 86% des internautes sondés s'attendaient à trouver les sites des entreprises françaises sous .FR. Rien ne nous interdit de penser que cette proportion sera identique lorsqu'il s'agira de trouver les blogs et pages personnelles des internautes français. Le .FR est donc un vrai vecteur de visibilité pour qui veut exister sur internet.